"De nombreux programmes d’éducation à la santé entendent développer les compétences psychosociales. Le concept, défini par l’OMS dès 1993, est à la pointe de la promotion de la santé. Mais de quoi s’agit-il précisément ?" (Article sur santepubliquefrance.fr)
"L’OMS (Division de la santé mentale et de la prévention des toxicomanies, Life skills education in schools, 1993), définit les compétences psychosociales (CPS) comme « la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude d’une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement. »
Ces compétences, essentielles et transculturelles, sont étroitement liées à l’estime de soi et aux compétences relationnelles, qui sont les deux faces d’une même pièce : relation à soi et relation aux autres. L’OMS en identifie 10 principales, qui vont par deux :
- Savoir résoudre les problèmes/Savoir prendre des décisions
- Avoir une pensée critique/Avoir une pensée créatrice
- Savoir communiquer efficacement/Etre habile dans les relations interpersonnelles
- Avoir conscience de soi/Avoir de l’empathie pour les autres
- Savoir gérer son stress/Savoir gérer ses émotions
Quels sont les enjeux des compétences psychosociales ?
Les CPS ont été définies dans le cadre de l’OMS avec un but de responsabilisation face à la santé. Elles se retrouvent pour cela souvent cantonnées à la sphère éducative et à la santé/bien-être alors que ses influences et bénéfices sont plus vastes puisqu’elles sont essentielles au bon développement global de la personne. Elles recouvrent en effet un champ très vaste et sont avant tout sociales, cognitives et émotionnelles. Elles constituent donc l’un des facteurs fondamentaux de détermination des comportements et partant de là, sont effectivement la pierre angulaire de tout programme de promotion de la santé.
L’article introductif du dossier de La Santé en action balaye les différentes définitions des CPS et détaille les aptitudes classées dans les trois domaines (social, cognitif, émotionnel). L’objectif du dossier est explicite : faire en sorte que les lecteurs, dont la majorité sont des professionnels, puissent fortifier leurs repères, tant théoriques que pratiques sur les CPS. Il retrace aussi brièvement l’irruption des CPS dans les programmes de santé publique, récente en France, plus ancienne (depuis les années quatre-vingt-dix) à l’international, dans certains pays comme le Royaume-Uni. L’article rappelle que l’Inpes a investi ce champ à partir de 2002 mais qu’il ne l’a inscrit dans sa programmation pluriannuelle qu’à partir de 2010.
Les CPS, des « déterminants de déterminants » de la santé
Il est avéré par les études scientifiques que des comportements à risque pour la santé tels que la prise de substances psychoactives, les comportements violents ou les rapports sexuels à risque (non protégés) sont plus fréquents lorsque leurs auteurs ont des CPS peu développées. De faibles CPS sont un déterminant majeur de ces conduites, elles-mêmes à l’origine de maladies ou de situations délétères : addictions, infections sexuellement transmissibles, grossesses non désirées, troubles des conduites, etc. On parle alors des CPS comme de « déterminants de déterminants » (causes of the causes, en anglais). Développer les CPS apparaît donc comme un levier majeur pour prévenir des problèmes d’addiction ou de santé mentale.
Le dossier souligne que l’on ne peut concevoir de développer des compétences psychosociales indépendamment de leur mise en pratique, mais aussi indépendamment les unes des autres. Par exemple, aider un jeune à s’affirmer est indispensable à son intégration sociale, mais cela doit s’inscrire parallèlement dans une conscience de l’autre si l’on veut éviter des comportements intolérants, voire asociaux. Le pédiatre Jacques Fortin souligne ainsi qu’une hyper estime de soi, sans compétence sociale développée, conduit à un égocentrisme, source de difficultés relationnelles et adaptatives.
Dans la pratique, comment réussir à développer les CPS
L’une des contributions liste les conditions de réussites de projets mobilisant les CPS et la difficulté de leur évaluation puisqu’il est difficile d’attribuer des changements de comportements à une seule intervention sur une ou même plusieurs CPS. Pour les auteurs, il s’agit d’aborder les CPS à travers tous les apprentissages (scolaires, professionnels) et les relations interpersonnelles quotidiennes, de manière systémique et non par une action ponctuelle auprès des enfants. Ils préconisent aussi de le faire dans un souci global d’autonomie et de s’inscrire dans un processus d’empowerment, indispensable pour ancrer les CPS dans la vie quotidienne. L’empowerment est l'accroissement du pouvoir d’agir des individus ou des groupes sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques qu'ils subissent. Divers équivalents ont été proposés en français comme « capacitation », « autonomisation », « pouvoir-faire », « renforcement », « responsabilisation », « émancipation ». Si cet objectif d’ancrer les CPS dans la vie quotidienne n’est pas privilégié, le concept en sera resté au niveau de la théorie, de l’intervention fugace, des mots. On se situe ici dans un apprentissage « tout au long de la vie » et dans tous les milieux de vie (famille, école, entreprise, etc.) puisque ces milieux interagissent pour modeler les CPS d’un individu.
Grands principes éthiques
Les grands principes éthiques et le déroulement pratique d’interventions visant à développer les CPS font aussi l’objet d’explications : des ateliers expérientiels, en groupe, le plus souvent hebdomadaires et d’une durée d’une ou deux heures semblent être la bonne formule pour approfondir une ou deux CPS par session. La pédagogie est participative, repose sur des échanges, des mises en situation, des jeux de rôles et des exercices pratiques à réaliser au quotidien. Les compétences sont des clés données aux participants qui sont libres de les tester et de se les approprier, mais aussi de ne pas les mobiliser à un instant donné s’ils ne se sentent pas disponibles ou désireux de le faire.
Des exemples français
La seconde partie du dossier ouvre sur des expériences, des programmes de terrain à travers la France : en Pays de Loire, en Rhône Alpes, dans l’Hérault ou à Marseille... À partir d’exemples et de témoignages de formateurs, de professionnels dans des lieux de vie variés tels que l’École, la commune, la famille, les milieux de la petite enfance, on voit émerger cette prise en compte des capacités de chacun à développer ses propres ressources pour mener à bien les interventions destinées à fortifier les CPS. Les experts insistent sur la nécessité de bien analyser le contexte, d’évaluer, de partir des attentes des populations, de les impliquer, de former les professionnels dont en premier lieu les enseignants."